L’Histoire devrait passer aux aveux( Michelet )
Il y a vingt siècles, la région du Proche-Orient, alors occupée par les Romains, porte le nom de Palestine. Les gens, les tribus, les peuples qui y vivaient étaient multiples et variés par leurs origines ethniques, leurs croyances, leurs mœurs. Les Araméens, les Cananéens, les Hébreux, les Égyptiens, les Grecs, les Perses, les Babyloniens, les Assyriens, les Romains, les Arabes, les Ottomans, ont tour à tour occupé, dominé cette terre devenue sainte après que la religion monothéiste majoritaire de ses occupants a connu successivement le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, cette dernière véhiculée par les Arabes depuis le septième siècle après JC. Cette diversité a engendré une succession de cohabitations, mais aussi de luttes, entre les tribus, les nations, les religions présentes simultanément Ces périodes de paix et de confrontation perdurent jusqu’à l’époque moderne. Cependant, depuis l’avènement du sionisme politique à la fin du dix-neuvième siècle et la création d’Israël en 1948, des bouleversements profonds vont entrainer cette région dans une instabilité qui dure encore aujourd’hui. La Terre Sainte a été transformée en Terre meurtrie.
Au début du vingtième siècle le colonialisme européen, représenté essentiellement par le Royaume Uni et la France s’empare du Proche – Orient au détriment de l’empire ottoman. Des intérêts nouveaux, aussi bien économiques (le pétrole) que territoriaux et stratégiques (le canal de Suez) ont provoqué un changement profond de domination impériale sans considération des droits fondamentaux des habitants de la région, comme le droit à l’autodétermination. Pour justifier en particulier leur mainmise sur la Palestine sans que cela n’apparaisse comme un acte de colonisation dorénavant critiqué, les Britanniques promettent en 1917, au mouvement sioniste, la création d’un «foyer national Juif». Cela sera concrétisé par la naissance de l’État d’Israël en 1948 après la «découverte» de l’effroyable génocide de six millions de Juifs européens par les nazis. L’histoire illustre bien que cette conquête de la Palestine ne s’est pas produite sans résistance farouche des autochtones dont les moyens étaient très limités par rapport à ceux des envahisseurs qui bénéficiaient d’appuis internationaux importants.
La confrontation entre envahisseurs et indigènes va de plus entrainer l’expulsion de 750 000 Palestiniens de leur terre sur laquelle l’État d’Israël est établi, et deviendront ainsi, pour la plupart, des réfugiés dans les pays limitrophes (Liban, Syrie, Jordanie…) et en Cisjordanie. Ceux qui réussissent à rester dans le nouvel État y deviendront des citoyens de seconde zone sans droit à la propriété foncière.
La consolidation de ce nouveau pays va continuer et se renforcer avec le soutien successif des grandes puissances, comme nous le décrivons succinctement ci-après, au gré des intérêts de chacune d’elles et surtout au détriment du peuple palestinien.
La contribution du Royaume-Uni au calvaire des Palestiniens
Le Royaume-Uni est sans aucun doute à l’origine des troubles profonds qui bouleversent depuis plus de cent ans cette région du monde connue sous le nom de Palestine mais aussi de Terre Sainte. Pour évincer les Ottomans du Moyen-Orient, les Britanniques sont amenés à promettre l’indépendance aux Arabes à condition que ceux-ci se révoltent contre l’occupant Turc. Cette promesse est cosignée dans la correspondance que le Chérif de la Mecque, Hussein, et le représentant Britannique Mac Mahon de Juillet 1915 à Janvier 1916 ont échangée. Les Arabes tiendront parole. Pourtant, en mai 1916, la France et le Royaume-Uni signent les accords Sykes-Picot qui consacrent le dépècement du Proche-Orient au profit des deux puissances coloniales, sans en avertir les autorités arabes. Le 2 novembre 1917, le gouvernement britannique signe la «Déclaration Balfour» qui promet au mouvement sioniste la création d’un «foyer national pour le peuple juif» en Palestine tout en respectant «les droits civils et religieux des communautés non juives». La contradiction de ces engagements du Royaume-Uni et l’impossibilité de les mettre en œuvre simultanément, vont constituer la cause originelle fondamentale du tragique destin des Palestiniens. Ainsi, selon les mots d’Arthur Koesler: «une nation a solennellement promis à une autre le pays d’une troisième». Le Royaume-Uni va obtenir en 1922 un mandat de la Société des Nations (SDN) sur la Palestine dans le but ultime d’y installer un gouvernement local afin de respecter le droit des peuples à l’autodétermination inscrit dans la charte de la SDN, mais aussi d’y concrétiser la promesse de la Déclaration Balfour. Au mépris de la population autochtone, le mandataire va tolérer une immigration juive massive en provenance d’Europe centrale tout en lui octroyant des droits qui sont refusés aux Palestiniens. Cette situation va engendrer des protestations et des révoltes des Palestiniens dont les plus importantes se situent en 1929 et de 1936 à 1939. Cette dernière révolte sera très durement réprimée par les forces armées britanniques aidées par la milice sioniste armée et tolérée par l’occupant. La répression va décimer l’élite palestinienne (nombreuses exécutions, emprisonnements, déportations…) ce qui explique en partie l’affaiblissement de l’encadrement politique palestinien qui fera défaut pour s’opposer efficacement à la future création d’Israël.
Après plusieurs tentatives de mise en place de plans de règlement de la confrontation qui s’accentue entre Palestiniens et sionistes, les Britanniques vont quitter la Palestine début Mai 1948 en remettant leur mandat à l’ONU qui dès lors va assumer la responsabilité du territoire. Cet aveu d’échec va laisser libre cours aux milices sionistes qui, à partir de Novembre 1947, accentuent leur pression militaire après le vote de la proposition de partage de la Palestine, pour pousser à l’exode la population locale. L’expulsion massive des Palestiniens commencera sous le regard indifférent de l’armée britannique qui avait largement participé à entrainer et équiper la Hagana (milice armée sioniste) qui deviendra l’armée israélienne. Soucieuse de préserver ses intérêts dans le monde arabe (en particulier dans les pays pétroliers), le Royaume-Uni tentera bien de limiter l’immigration juive et en payera un prix élevé sous forme de nombreux attentats perpétrés par les groupes sionistes extrémistes, Irgoun et Stern (le plus spectaculaire a été celui organisé contre l’hôtel King David qui a entrainé la mort d’une centaine de militaires britanniques en 1947). Sous pression des États-Unis, les Britanniques finiront par accepter la venue de
150 000 personnes déplacées d’Europe, rescapées des camps de la mort nazis.
Le premier juin 1968, Arnold Toynbee, célèbre historien Britannique, résumait la désastreuse intervention du Royaume-Uni en Palestine de 1917 à 1948, en écrivant: «La tragédie en Palestine n’est pas seulement locale; c’est une tragédie pour le Monde car c’est une injustice qui menace la paix du Monde. La culpabilité de la Grande Bretagne n’est pas diminuée par le fait humiliant de son incapacité à redresser les fautes qu’elle a commises».
Durant les années qui suivirent la création d’Israël en 1948, le Royaume Uni n’a pris aucune mesure efficace pour reconnaître sa responsabilité dans l’émergence de la tragédie palestinienne. Dès le début de son implication dans la région, seuls ses intérêts impériaux ont guidé sa politique fondée sur le refus du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. En parallèle, suite à un accord de guerre avec les sionistes d’où est issue la fameuse Déclaration Balfour en 1917, la colonisation de la Palestine va se dérouler insidieusement par l’acceptation de l’installation de colons juifs européens pendant toute la durée du mandat assumé par les Britanniques. Cette colonisation n’a pas cessé et continue en 2020 sans qu’aucune sanction pour empêcher cette violation du droit international ne soit proposée par le Royaume-Uni à l’origine du calvaire palestinien.
La contribution des États-Unis au calvaire des Palestiniens
Dès 1917 les États-Unis s’impliquent directement dans l’affaire de Palestine! En premier lieu, le président américain W. Wilson va approuver le texte de la Déclaration Balfour que les Britanniques lui soumettent. Pour ce faire il est très influencé par Louis Brandeis, responsable du mouvement sioniste des États-Unis, qu’il a nommé juge à la cour suprême et qui est devenu son conseiller pour le Proche-Orient! En 1919, La commission King Crane va mettre en garde le Président Wilson contre la «violation du droit à l’autodétermination de la population locale» si les désidératas sionistes étaient suivis d’effets. Il n’en tint pas compte et apporta son soutien au mandat britannique sur la Palestine. Cette politique mise en place à partir de 1917 sera celle des États-Unis jusqu’à aujourd’hui: soutien indéfectible aux sionistes et déni des droits des Palestiniens. Cela va se manifester concrètement en 1947 lorsque le Président Truman, contredisant l’avis de la majorité de ses conseillers, approuve le plan de partage de la Palestine et oblige le Royaume Uni à accepter l’immigration de 150 000 rescapés des camps de la mort nazis dans ce territoire. Pour se justifier, il déclare: «je suis désolé, messieurs, mais je dois répondre à des centaines de milliers de gens qui espèrent le succès du sionisme. Je n’ai pas des centaines de milliers d’Arabes parmi mes électeurs». Le ton est donné: la politique intérieure américaine va peser lourdement sur les décisions concernant la Palestine. De nos jours, les avantages concédés par Mr Trump à Israël, tout en accentuant le joug colonialiste sur les Palestiniens, confirment l’injustice flagrante et niée de cette politique. Sous l’influence de puissants lobbies pro-sionistes les États-Unis vont continuellement protéger diplomatiquement leur allié contre la dénonciation internationale des crimes commis par celui-ci en opposant leur véto au Conseil de Sécurité de l’ONU pour empêcher toute résolution contraignante: depuis 1967 les Américains utiliseront 50 fois ce droit de véto! En plus de cette protection diplomatique, les USA vont apporter une aide massive matérielle et financière à Israël: de 1948 à 2005, 154 Milliards de Dollars et depuis la présidence de Mr Bush, plus de 3 Milliards de dollars lui sont versés annuellement sans obligation de remboursement.
Il faut bien constater que la politique «deux poids, deux mesures» des États-Unis est celle qu’ils appliquent depuis plus d’un siècle et qu’elle n’a toujours pas abouti à instaurer une véritable paix dans la région.
La contribution de l’Allemagne au calvaire des Palestiniens
Le rôle de l’Allemagne au Proche Orient est rarement évoqué même par les auteurs qui prennent position pour les Palestiniens. Ainsi, dans un livre intitulé «Palestine: le jeu des puissants» (Actes Sud,2014), écrit sous la direction de Dominique Vidal, il n’y est pas fait allusion.
Depuis la fin du dix-neuvième siècle, l’Allemagne s’est intéressée à la Palestine alors gouvernée par la Turquie, son alliée. Sollicité par T. Hertzl (le fondateur du sionisme politique), l’Empereur allemand Guillaume II va le rencontrer en Palestine en 1898 pour plaider sa cause auprès des Ottomans, mais il n’arrivera pas à convaincre ceux-ci de céder la Palestine comme le souhaitait le leader sioniste. Cependant, jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, les Allemands vont encourager l’implantation de Juifs d’Allemagne en espérant augmenter leur influence sur place. Lorsque la pression démographique commencera à se faire sentir, et que les Palestiniens s’en plaindront, les Turcs menacèrent d’expulsion les immigrés juifs, après avoir découvert, disaient-ils, un réseau d’espionnage animé par des sionistes. L’Allemagne va alors intervenir vigoureusement auprès de son allié et arrivera à sauver le Yichouv (implantation sioniste en Palestine) d’un sort auquel, malheureusement, les Arméniens n’arriveront pas à échapper. Ainsi, l’empire allemand s’est avéré un protecteur efficace et donc encourageant des premières implantations coloniales sionistes en Palestine qui ne disaient pas encore leur nom.
Paradoxalement, c’est sous le régime nazi, que l’intervention allemande va provoquer le renforcement de la mainmise des sionistes sur la Palestine. Le régime nazi, à son avènement, le 31 Janvier 1933, n’avait pas de programme politique concernant le Proche-Orient. Par contre, sa politique antisémite était déjà bien définie et se résumait à tout faire pour vider l’Allemagne de ses citoyens juifs. Par ses mesures abominables, racistes anti-juives, le régime nazi va encourager et provoquer le départ d’un grand nombre de ses citoyens juifs, pourtant bien assimilés à la société allemande et qui tenaient à demeurer dans leur patrie. Pour accélérer ce départ, les nazis vont rapidement signer un accord connu sous le nom de «Haavara» (transfert en Hébreu)… avec les dirigeants sionistes du Yichouv, présidé par David Ben Gourion. Cet accord va permettre à près de 60’000 Juifs allemands d’immigrer en Palestine avec une grande partie de leur fortune. Ces gens étaient culturellement et techniquement très bien formés. Avec leur savoir et leurs moyens financiers, ils vont participer à l’enracinement du sionisme et à la création d’infrastructures industrielles encore présentes aujourd’hui en Israël. En même temps, ce nouveau commerce (qui s’étendra dans tout le Proche Orient jusqu’en 1939) va aider à la consolidation du nazisme alors sous la menace d’un boycott international que les sionismes vont saborder pour pouvoir bénéficier des avantages de l’accord «Haavara».
Durant la deuxième guerre mondiale, les terribles mesures génocidaires du Reich nazi vont provoquer l’immigration clandestine de plus de 50’000 Juifs européens en Palestine.
Retenons simplement, que l’Allemagne nazie est tenue pour seule responsable du génocide des Juifs d’Europe mais nul ne lui fait assumer les conséquences de ce génocide sur la population palestinienne. En effet, selon de nombreux auteurs, sans la Shoah, Israël n’aurait simplement pas vu le jour! Citons, Elie Barnavi, historien israélien qui affirme dans son livre «Israël, un portrait historique»: «Hitler a été certainement le levier le plus puissant dans l’édification de l’État Juif». Catherine Nicault, dans son article intitulé «La Shoah et la création de l’État d’Israël» confirme: «Reste que sans le nazisme et la Shoah dans le rôle de catalyseur, d’accélérateur, il est douteux que l’État d’Israël ait jamais vu le jour». En 1947, 150 000 personnes déplacées, rescapées des camps de la mort nazis et ne sachant plus où aller vont être envoyées en Palestine sous la pression des États-Unis et des sionistes sur la Grande-Bretagne alors mandataire de ce territoire.
A cette participation indirecte mais bien réelle de l’Allemagne à la réalisation du plan colonisateur sioniste, vont venir s’ajouter les réparations consenties par la République Fédérale d’Allemagne à l’État d’Israël. Le 10 septembre 1952 un accord de dédommagement est signé entre la RFA et l’État d’Israël concernant les victimes de la Shoah, ainsi que les rescapés qui ont subi des sévices de la part des nazis. Pour en illustrer l’importance, citons l’éminent historien israélien, Tom Segev (Le septième million): «Le gouvernement allemand s’engagea à verser 820 millions de dollars, soit l’équivalent de 3,4 milliards de marks. Plus de 1300 machines dans le domaine de l’optique, du caoutchouc, du textile, de la médecine, de la conserverie, de l’imprimerie furent financées par 8% de l’argent des réparations, soit 66 millions de dollars. De 1953 à 1963, l’argent des réparations servit à financer le tiers du réseau électrique d’Israël, la moitié des voies ferrées et l’achat des locomotives Diesel. 17% de la somme totale, soit 100 millions de dollars, alla à l’achat de 50 bateaux, cargos et paquebots qui constituèrent les deux tiers de la flotte marchande israélienne».
Tous ces apports financiers et technologiques de l’Allemagne pour bâtir la puissance d’Israël ont contribué directement au malheur actuel des Palestiniens car cette ressource est et a été utilisée pour la colonisation de leurs terres. Un article paru dans le Monde Diplomatique d’avril 2020 confirme l’importance méconnue de l’engagement allemand au Proche-Orient largement en faveur d’Israël et au mépris des droits des Palestiniens. L’auteur, Daniel Marwecki, y souligne combien l’aide allemande a été cruciale pour l’État d’Israël durant les deux premières décennies de son existence; cette aide va s’étendre au domaine militaro-nucléaire, ce qui donnera à Israël sa supériorité indiscutable face à ses adversaires. Le besoin de l’Allemagne de se racheter et ainsi de retrouver sa place au sein des grandes puissances explique essentiellement son attitude, bien que consciente, du problème dramatique des réfugiés palestiniens qu’avait engendré la création d’Israël. «En protégeant Israël, nous nous protégeons des démons du passé» a déclaré, en 2018, Mr Martin Schultz (chef alors du parti SPD ) sans, bien sûr, évoquer le fait que cette façon d’agir participait à perpétuer la tragédie du peuple palestinien colonisé et confiné dans des camps de réfugiés dans un état des plus précaires qui dure depuis 1948. Cette énorme Indulgence (ce mot désigne l’autorisation que l’Église accordait, au Moyen Age, à ses fidèles, pour racheter leurs péchés contre paiement et contre laquelle Luther s’était révolté ) en guise d’expiation des crimes commis par les nazis, va peser (et pèse encore) lourdement sur les évènements au Proche-Orient tout en illustrant le parti pris occidental sous-tendu par un profond égoïsme (ainsi qu’une culpabilité à sens unique) accentuant, de jour en jour, le calvaire des Palestiniens qui n’en voient pas la fin.
La contribution de l’URSS (Russie) au calvaire des Palestiniens
Dès la Révolution, en Octobre 1917, les Bolcheviks (dont de nombreux dirigeants étaient juifs) s’étaient prononcés opposés à l’idéologie sioniste, en particulier à cause de son nationalisme affirmé contraire à l’internationalisme communiste. Jusqu’en 1941, le régime soviétique prônait la création d’un État indépendant et démocratique (sous-entendu bi-national) en Palestine. Pourtant, en mai 1947, l’URSS, dirigée par Joseph Staline, allait apporter un soutien autant inattendu que primordial au mouvement sioniste. Prétextant le génocide que venaient de subir les Juifs d’Europe, Andreï Gromyko1 annonce, à la tribune de l’ONU, que son pays soutiendra le partage de la Palestine en deux États. Sans relâche, jusqu’en 1949, Moscou va apporter aux sionistes son aide inconditionnelle qui se concrétisera dans les domaines politique, militaire et démographique. Les soviétiques votent le plan de partage de la Palestine par l’ONU le 29 novembre 1947, aidés en cela par leurs satellites contraints (Pologne, Tchécoslovaquie, Ukraine). Ils reconnaîtront juridiquement l’État d’Israël trois jours après sa proclamation, le 17 mai 1948. Favorisant le départ de 150 000 Juifs de Pologne en tant que «personnes déplacées» vers la zone d’occupation alliée, ils vont mettre le Royaume-Uni dans l’embarras mais celui-ci finira, sous la pression américaine, par les accepter comme immigrants en Palestine. Les soviétiques, avant 1948, vont également soutenir des opérations clandestines d’immigration de Juifs en Palestine, en provenance de Roumanie et de Bulgarie, en coopération avec l’Agence juive. Avec une grande efficacité, l’URSS, en utilisant son satellite, la Tchécoslovaquie, va livrer, entre 1948 et 1951, des armes légères et lourdes comprenant des chars et des avions de combat, tout en assurant la formation de ses nouveaux clients. Bien informés du nettoyage ethnique perpétré par les forces armées sionistes qu’ils équipent, les Soviétiques vont outrageusement les déculpabiliser en accusant les Britanniques d’en être responsables. David Ben Gourion, le fameux premier Premier-Ministre de l’État israélien reconnaîtra en 1968, que ces armes ont «sauvé le pays. Elles constituèrent l’aide la plus importante que nous ayons obtenue… Je doute fort que, sans elles, nous ayons pu survivre le premier mois» (cité dans Uri Bialer, Between East and West, Israël’s foreign Policy Orientation). Ce qui a sous-tendu l’apport de cette aide massive des Soviétiques au mouvement sioniste, n’était bien sûr pas dénué d’arrière-pensées politiques: l’URSS, par ces opérations, espérait gagner Israël comme allié et ainsi prendre la place du Royaume-Uni. C’était sans compter la force des liens qui unissaient ce pays aux États-Unis où vivait la plus puissante communauté juive.
Après les péripéties de la guerre froide qu’il n’y a pas lieu d’évoquer ici, il faut signaler un autre évènement important après la chute de l’URSS: la Russie de Gorbatchev va autoriser 800 000 Juifs à émigrer en Israël. La qualité de formation (médecins, ingénieurs, enseignants…) et l’expérience de ces gens vont constituer un apport précieux et gratuit à l’économie israélienne. Forte de la présence d’un million de coreligionnaires en Israël, la Russie de Poutine entretient des relations économiques, technologiques et militaires (achat de drones) et diplomatiques sans interruption avec l’État sioniste. Ces deux États sont si proches qu’ils peuvent être qualifiés de complices. Israël reste silencieux sur l’affaire ukrainienne, s’abstient le 27 mars 2014 lors d’un vote de l’Assemblée Générale de l’ONU condamnant l’annexion par la force de la Crimée par Moscou (ce qui équivaudrait pour Israël à voter contre l’annexion du Golan, de Jérusalem…). En contrepartie, la Russie n’évoque jamais le sort des Palestiniens et par là, contribue à maintenir leur situation désespérée.
La Russie, pour des raisons très variées, a apporté et apporte son appui au sionisme qui en profite pour mieux assoir sa domination cruelle sur le peuple palestinien.
1Andreï Gromyko, 1909 – 1989, ambassadeur de l’URSS auprès du Conseil de sécurité de l’ONU, de 1946 à 1952